INCARNER

Jamais
parfait

Thursday, November 20, 2008

RÈGLE DES TROIS UNITÉ


RÈGLE DES TROIS UNITÉ

Sprétendument aristotélicienne

“Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompliTienne jusqu’à la fin le théâtre rempli”Nicolas Boileau, Art Poétique, Chant III, 1674

Les trois règles furent formulées, à la Renaissance, par Jean de la Taille (Art de la tragédie, 1572), Thomas Sébillet (Art poétique français, 1548), Pierre de Ronsard, Joachim du Bellay, et surtout Scaliger et Castelvetro (Poétique, 1570). Mais avec le triomphe, au début du XVIIe siècle, du théâtre baroque et de l’irrégularité, les trois unités devinrent secondaires. Mairet les reprit en 1631 dans la préface de sa Silvanire au nom de la ”vraisemblance” et les appliqua strictement dans sa Sophonisbe (1634). À partir de 1636, le respect ou non de cette règle engendra des débats passionnés — dont le plus célèbre fut la fameuse ”querelle du Cid” et donna naissance à une abondante littérature. Ainsi, la rédaction des Sentiments de l’Académie française sur le Cid (1636) fournit à Chapelain l’occasion de demander une application exacte des règles, théorie reprise en 1657 par l’abbé d’Aubignac dans sa Pratique du théâtre, à laquelle Corneille répondit par les Examens critiques de ses pièces et par les Discours publiés en tête de chacun des volumes de l’édition complète de ses œuvres, et dont le troisième est intitulé : Des trois unités d’action, de jour et de lieu (1660). Le théâtre codifié triompha dans la deuxième moitié du Grand Siècle, et les tragédies de Racine constituent l’une des formes les plus achevées de l’esthétique du théâtre classique.
La règle des trois unités dans le théâtre classique :
L’unité d’action :Afin que le spectateur puisse concentrer toute son attention sur le point essentiel de la tragédie, c’est-à-dire la crise qui est au coeur de la pièce, il faut éviter de multiplier les intrigues secondaires. Toutefois, cette règle ne sous-entend pas, comme on pourrait s’y méprendre, une action unique et simplifiée au maximum ; elle suppose néanmoins que toutes les actions, même secondaires, soient liées d’une manière ou d’une autre à l’intrigue principale.Ainsi, dans une pièce bien construite, il ne doit pas être possible de supprimer un épisode sans que cette coupe nuise à la compréhension d’ensemble : chaque élément, aussi accessoire puisse-t-il paraître, doit exercer une influence sur le déroulement de l’intrigue principale, sinon il n’y a aucune raison de le conserver. Par ailleurs, toutes les intrigues, principale et secondaires, doivent être exposées au début de la pièce et se dérouler jusqu’à son dénouement : puisque l’unité d’action commande que tous les faits soient subordonnés à l’action principale, les actions secondaires ne peuvent se dénouer qu’en même temps qu’elle. De même, il ne saurait être question d’introduire des digressions focalisant l’attention du spectateur sur un épisode annexe pendant plusieurs scènes consécutives.Il convient toutefois de nuancer cette approche, car la façon de concevoir et d’appliquer l’unité d’action varie d’un théoricien à l’autre : si Chapelain propose de conserver les épisodes secondaires, Vossius et l’abbé d’Aubignac, eux, sont partisans d’une seule et unique action.
L’unité de temps :L’unité de temps s’appuie sur le principe de la vraisemblance : elle cherche à faire coïncider au maximum la durée de l’action avec celle de la représentation théatrâle. Cette règle repose sur le constat suivant : il n’est pas crédible de faire tenir en deux ou trois heures de représentation une multitude d’événements et de retournements de situation qui s’étalent dans le temps.Aristote parlait de limiter le déroulement de l’action au temps d’une ”révolution de soleil” ; Chapelain proposa de faire tenir l’action en une journée (Lettre sur la règle des vingt-quatre heures, 1630). Cette règle, qui suscita de nombreuses contestations parmi les partisans d’un théâtre riche en rebondissements, impose donc une certaine concentration de l’action. Corneille insista sur le fait qu’il était impossible de faire croire que toutes les actions qui composent l’intrigue d’une pièce tiennent en 24 heures, et ce débat fut le point de départ de la ”querelle du Cid”. Toutes les polémiques alimentées par cette règle mettent en évidence son aspect paradoxal : au nom de la crédibilité et de la vraisemblance, il est impossible de faire tenir de nombreuses péripéties en une seule journée ; pourtant, au nom de cette même exigence, il convient de faire tenir toute l’action en 24 heures.
L’unité de lieu:Également liée à la notion de vraisemblance, l’unité de lieu trouve les mêmes justifications que l’unité de temps : le cadre de la pièce étant nécessairement limité à l’espace imposé par la scène, il ne serait pas crédible de faire se dérouler l’action dans trop d’endroits différents. Cette règle, qui n’est pas mentionnée chez Aristote, constitue une invention du théâtre classique et découle des impératifs de la mise en scène. Aussi se mettra-t-elle en place plus progressivement que les autres. Si, au départ, on constate une certaine tolérance à l’égard de cette règle (les déplacements des personnages sont autorisés à l’intérieur d’une même ville ou vers une ville voisine), les positions se durcirent peu à peu allant jusqu’à imposer l’unité de décor : on opta alors souvent pour un lieu propice aux rencontres (une place, un palais, une antichambre).L’effort d’imagination requis par le spectateur était l’argument le plus souvent mis en avant pour justifier ces aspirations vers un maximum d’homogénéité : ”Il faut de nécessité que l’imagination soit divertie du plaisir de ce spectacle qu’elle considérait comme présent, et qu’elle travaille comme quoi le même acteur qui naguère parlait à Rome à la dernière scène du premier acte, à la première du second se trouve dans la ville d’Athènes, ou dans Le Caire si vous voulez ; il est impossible que l’imagination ne se refroidisse et qu’une si soudaine mutation ne la surprenne, et ne la dégoûte extrêmement, s’il faut qu’elle courre toujours après son objet de province en province, et que presque en un moment, elle passe les monts et traverse les mers après lui.” (Mairet, préface de la Silvanire, 1631). Cette règle favorisa le recours au récit pour évoquer tout événement qui se déroule hors de la scène (ainsi le récit de Théramène, dans Phèdre de Racine).